Les hommes étaient encore réduits, comme les animaux, à ne manifester leurs sensations que par des cris confus et sans liaison ; Thot leur apprit une langue articulée, et imposant des noms à tous les objets, il donna à chaque individu le moyen de communiquer ses pensées et de s'approprier celles des autres. Il fit plus : il enseigna à les fixer d'une manière durable, en inventant l'art inappréciable de l'écriture ; il organisa l'état social, établit la religion, et régla les cérémonies du culte ; il fit connaître aux hommes l'astronomie et la science des nombres, la géométrie, l'usage des poids, des mesures et de la monnaie. Non content de satisfaire à tous les besoins de la société humaine par ces importantes et utiles créations, le second Hermès s'occupa aussi de tout ce qui pouvait contribuer à embellir la vie : il inventa la musique, fabriqua la lyre, à laquelle il ne donna que trois cordes, et institua les exercices gymnastiques. C'est ce même dieu enfin qui fit connaître aux hommes l'architecture, la sculpture, la peinture et tous les arts utiles.
La langue et l'écriture inventées par Thot et communiquées aux hommes par cette divinité bienfaisante, différaient de la langue et de l'écriture des dieux, dont s'était servi le premier Hermès pour rédiger ses livres. L'écriture employée par le second Hermès est appelée hiérographique par Manéthon, parce qu'elle servit d'abord à écrire les livres sacrés, dont ce dieu confia la garde à la caste sacerdotale qui lui devait, dit-on, son organisation et toutes les connaissances dont elle fut la dépositaire et la dispensatrice. Il paraît même que cet instituteur des hommes réserva pour cette caste seule un certain ordre de notions, entre autres, celle de la véritable longueur de l'année, 365 jours un quart, et de la période de quatre années dont la dernière était bissextile. Les prêtres égyptiens reconnaissaient ce dieu pour l'auteur des livres sacrés que chacun d'eux devait posséder à fond, en totalité ou en partie, selon l'ordre de ses fonctions et son rang dans la hiérarchie. Ces livres de Thot, au nombre de quarante-deux, renfermaient toutes les règles, tous les préceptes et tous les documents relatifs à la religion, au culte, au gouvernement, à la cosmographie, à la géographie, à tous les arts et à toutes les sciences ; en un mot, ces livres sacrés, dont les titres nous ont été conservés, formaient une véritable Encyclopédie égyptienne.
Les Égyptiens [...] représentèrent habituellement cet instituteur divin de leur civilisation, sous une forme humaine, mais avec une tête d'Ibis.
J.F. Champollion le jeune, Panthéon égyptien, Firmin Didot,
imprimeur du Roi, Paris, 1823.