|
|
|
|
Ce mémoire a pour but de discuter la place que peut occuper la
réalité virtuelle dans l'enseignement. Un système
de réalité virtuelle est une interface qui implique de la
simulation en temps réel et des interactions par de multiples canaux
sensoriels (vision, audition, toucher, odorat ou goût). Nous présentons
de tels systèmes existants pour l'enseignement. Ces exemples d'application
sont tirés de domaines variés afin de montrer que la réalité
virtuelle suscite de nombreux espoirs aujourd'hui.
Nous présentons quelles sont les attentes en matière
d'utilisation de la réalité virtuelle pour l'enseignement,
tant pour les étudiants que pour les enseignants. Puis au vu des
expériences existantes, nous faisons un bilan des bénéfices
concevables, les deux apports principaux étant le développement
de l'autonomie de l'étudiant et la visualisation de concepts complexes.
Nous étudions aussi les limites de la réalité
virtuelle pour l'enseignement. Celles-ci sont à la fois d'ordre
technique et humain. Nous discutons en particulier, les problèmes
liés à la qualité du contenu d'un cours virtuel et
ceux liés aux relations enseignant/étudiant et étudiant/étudiant.
Enfin nous proposons en conclusion quelques principes qui pourraient
s'avérer nécessaires à une intégration harmonieuse
de la réalité virtuelle dans l'enseignement.
Mots-clés : enseignement, réalité
virtuelle, intégration, exemples, bénéfices, limites
1. Introduction *
2. La réalité virtuelle aujourd'hui *
2.1. Espoirs et attentes de la réalité
virtuelle *
2.1.1. Pour les étudiants
*
2.1.2. Pour l'enseignement
*
2.1.3. Pour les matières
enseignées *
2.1.4. Pour l'enseignant
*
2.2. Exemples d'application *
2.2.1. Apprentissage de
geste *
2.2.2. Apprentissage de
connaissances *
3. Apports potentiels de la réalité virtuelle *
3.1. Visualisation de concepts *
3.2. Développement de l'autonomie des étudiants
*
3.3. Facilité d’accès aux connaissances
*
3.4. Entraînement à des situations
critiques ou coûteuses *
4. Limites de la réalité virtuelle *
4.1. Les limites techniques *
4.2. Coûts *
4.3. Le contenu et sa présentation *
4.4. Relations enseignant/étudiants et étudiants/étudiants
*
4.5. Mais aussi … *
5. Conclusion *
5.1. Résumé *
5.2. L'informatisation de l'enseignement *
5.3. Quelle utilisation de la réalité
virtuelle pour l'enseignement?
*
6. Références *
Actuellement la réalité virtuelle est surtout connue
pour son utilisation dans les domaines de l'entraînement et du jeu.
Une des interrogations concernant la réalité virtuelle est
son utilisation en dehors de ces domaines. Dans ce rapport, nous nous intéressons
en particulier à son application dans l'enseignement. De nombreux
projets soulèvent la question des apports de celle-ci à l'enseignement
[VFTS, ISR]. L'utilisation de la réalité virtuelle permet
d'espérer de nombreux bénéfices pour l'enseignement,
aussi bien au niveau de l'étudiant et de son accès à
la connaissance, que pour le développement de nouveaux enseignements.
Dans un premier temps, nous présenterons les différentes attentes vis à vis de la réalité virtuelle et, dans un second temps, nous étudierons quelques expériences qui permettront de mettre en avant cet apport.
La réalité virtuelle semble pouvoir apporter de nombreux
bénéfices aussi bien pour les étudiants et les enseignants
que pour l'enseignement en général.
Les étudiants peuvent espérer retirer des bénéfices
de la RV sur plusieurs aspects. La référence [You98] suggère
que l’étudiant peut espérer gagner en autonomie grâce
à un accès facilité aux connaissances. Il pourra ainsi
évoluer vis à vis de la connaissance de façon autonome,
l'enseignant n’étant plus qu’un guide pour lui.
La réalité virtuelle peut aussi aider les étudiants
ayant des déficiences physiques [ELE] en leur permettant d'agir
dans le monde virtuel sans être handicapés. Le mode d'interaction
permet d'améliorer ou de palier les incompétences physiques
d'une personne. Par exemple une personne à mobilité réduite
dans le monde réel, peut avoir une mobilité normale ou équivalente
à celle des autres étudiants dans le monde virtuel.
Un des premiers apports de la réalité virtuelle, par
rapport à des environnements multimédia par exemple, est
qu'elle permet l'immersion de l'étudiant et la reconstruction du
travail en groupe [You98], chose qui était perdue avec les environnements
interactifs actuels.
La réalité virtuelle pourrait permettre l’émergence
de l’enseignement de nouvelles matières [VRC]. En effet, certaines
matières ne sont pas enseignées du fait de problèmes
de coûts, de disponibilités de locaux ou de matériels,
de l'utilisation de matériels chers ou très spécifiques
et donc rares [VETL1], de matières à risque (chimie, nucléaire,
…) [VRC], mais c'est aussi le cas pour les matières qui nécessitent
l'utilisation de matériels de pointe devant être mis à
jour régulièrement [VETL2, VETL3].
Avant de commencer on peut signaler que l'enseignement peut se décomposer en deux grandes catégories:
Ces techniques sont aujourd’hui bien développées et
intégrées dans le processus d’apprentissage que ce soit par
exemple pour l'apprentissage du pilotage d'avion, la manipulation de matériels
militaires ou la médecine. Ces techniques sont aussi utilisées
dans des domaines avec moins de moyens, notamment pour l'apprentissage
et la manipulation de machines bien précises. Nous allons voir dans
cette partie trois exemples qui permettent d'illustrer ces techniques.
Nous présenterons dans un premier temps une expérience
([VET]) dont le but est de fournir à l'étudiant un environnement
fidèle à la réalité où il peut apprendre
à manipuler une machine dans son contexte (Figure 1a), sans risque
avec une aide du système accessible (Figure 1c).
a) |
b) |
c) |
La réalité virtuelle permet l'entraînement des étudiants
dans des situations critiques. Ce que nous appelons critique, sont toutes
les situations où le matériel utilisé par les étudiants
est par exemple fragile, et où les manipulations doivent être
expertes. C'est aussi le cas en médecine, où les étudiants
ont besoin de s'entraîner avant de travailler avec des patients [Küh,
Del94, Aul99].
Dans [Küh] l'exemple décrit comment la réalité
virtuelle permet de modéliser le crâne humain, c'est à
dire, les os, les muscles et la peau, permettant ainsi aux étudiants
de s'entraîner et de voir le comportement des différentes
parties au cours d'une opération de découpage du crâne.
Dans le deuxième exemple [Aul99,Figure 2], le système
fournit des interfaces haptic et graphique qui permettent de représenter
une partie du corps humain et notamment la texture et la densité
de la peau. Cette approche permet de d'avoir un rendu réaliste pour
les étudiants, et leur permet de réaliser des manipulations
sans aucun danger pour un patient.
Cette technique va se développer pour permettre la création d'environnements permettant d'avoir des représentations du cœur avec des retours d'effort.
Depuis de nombreuses années, la réalité virtuelle
a été employée pour apprendre aux pilotes a naviguer
sur différents types d'appareils dans différentes conditions.
Aujourd'hui la réalité virtuelle sert aussi à préparer
les différentes missions dans l'espace. La NASA l’utilise pour préparer
chaque mission. Les astronautes font des séances où ils font
et refont les gestes qu'ils auront à effectuer dans l'espace de
manière à ce que ces gestes soient naturels et automatiques.
On peut voir dans la figure 3.a une prise de vue réelle de l'astronaute
faisant sa manipulation, et dans la figure 3.b et 3.c, deux des scènes
qui lui ont servies au cours de son entraînement.
Figure 3 : Entraînement à la NASA
Un exemple significatif pour illustrer la réalité virtuelle
est l'utilisation pour l'enseignement des langues. C'est sans doute un
des exemples qui illustre le mieux l'apport de l'immersion par rapport
un enseignement classique.
Dans [Ros95], la réalité virtuelle est utilisée
pour l'enseignement du japonais. Les étudiants sont immergés
dans un monde virtuel avec lequel ils peuvent interagir. L'apprentissage
du japonais se fait par immersion totale. L'étudiant dialogue avec
le système qui lui demande d'effectuer des tâches élémentaires
que l'étudiant réalise. Le système évalue la
pertinence de l'action réalisée et réagit en fonction
de celle-ci.
Visualisation
du microscopique
L’expérience décrite dans [Ded] a été réalisée pour permettre aux étudiants d'examiner et de manipuler les forces et les champs magnétiques, l’objectif pédagogique étant de faire découvrir aux étudiants de façon empirique la loi gaussienne. Ils peuvent, par manipulation, placer des charges positives ou négatives dans un espace, et observer les effets en terme de champs magnétique résultant.
Figure 4 : Gauss 1
Ensuite, il peuvent déplacer les différentes charges, et ainsi voir les effets de leurs manipulations.
Figure 5 Gauss 2
Figure 6 : molécule d’A.D.N., modèle " éclaté "
Figure 7 molécule 2, modèle compact
Figure 8 newtown 1
Les étudiants, par manipulation, peuvent se saisir de boules de différentes masses et les manipuler, et ainsi sentir la force. De plus, il peuvent aussi les lancer, ou les lâcher, et, dans ce cas, le système représente l'énergie potentielle, énergie complètement abstraite, qu'il est difficile de représenter et de faire sentir aux étudiants par d'autre moyen.
Figure 9 newton 2
Dans la salle interne les étudiants peuvent observer les réactions chimiques. Une courbe complète les informations en temps réel. De plus, ils peuvent voir de plus près les réactions chimiques qui se produisent.
Figure 11 colonne de distillation industrielle
La [Figure 13] montre jusqu'à quel point de détails les étudiant peuvent aller.
Figure 13 l'infiniment petit, vue des molécules à l’intérieur d’un catalyseur
Cette expérience est sans doute celle qui permet de mieux illustrer les différentes possibilités de la réalité virtuelle.
L'évaluation des différentes expériences est
essentiellement tirée de [Ros95] et de [Bel95]. Il s'avère
que l'utilisation de la réalité virtuelle est très
prometteuse et répond plutôt bien aux attentes. Les deux points
qui semble être les plus importants dans cette réussite sont
la visualisation de concepts qui ne pourraient être vus sinon (immersion
à l'intérieur des objets) qui permet aux étudiants
de rendre concrets des concepts ou des objets qui étaient jusque
là abstraits, et l'aspect découverte des étudiants
qui fait que les étudiants sont très volontaires dans l'expérience.
Mais ces expériences ont aussi montré que la réalité
virtuelle a permis dans de nombreuses expériences de multiplier
ce qui est appelé classiquement les travaux pratiques, en réduisant
les problèmes de coût en homme, machine et matériel.
En effet, l'étudiant peut réaliser autant de fois qu'il le
désire une expérience donnée.
Un des points les plus prometteurs de la réalité virtuelle
pour l’enseignement est qu’elle permet de visualiser des concepts abstraits
et/ou complexes comme nous l’avons illustré précédemment
pour la physique newtonienne. Cela offre aux étudiants un moyen
de mieux comprendre ces concepts en les " expérimentant " : non
seulement les étudiants voient comment se décompose un phénomène
complexe, mais ils peuvent aussi changer les données de ce phénomène
afin de voir les modifications induites.
Enfin l’exploitation de différents sens permet une meilleure
perception des phénomènes. Dans le cas de la visualisation
de concepts, la réalité virtuelle procure un réel
bénéfice pédagogique qui est impossible sans elle.
Dans un système de réalité virtuelle d’enseignement,
les étudiants peuvent se former à leur rythme et suivant
leurs préférences. Ils ont le choix des moments où
ils désirent étudier et de l’ordre des concepts à
aborder. Ils peuvent approfondir les notions qui les intéressent
ou revenir sur celles mal assimilées. La réalité virtuelle
permet donc une individualisation plus poussée de l’enseignement.
Si l’enseignement est plus individualisé, il oblige aussi les
étudiants à être plus autonomes. En effet, ce sont
eux qui décident de leur progression et qui jugent des explications
complémentaires qui leur sont nécessaires. L’enseignant n’est
donc plus un maître qui assène des connaissances, mais un
guide qui est présent pour répondre aux besoins spécifiques
de chacun.
Un des principaux avantages d’un système informatisé
pour l’enseignement est qu’il tient toujours à disposition les connaissances
nécessaires aux étudiants. C’est ce qui permet une réelle
individualisation de l’enseignement.
De plus, dans de tels systèmes, les déficiences physiques
ne sont plus une limite à l’apprentissage de connaissances. L’accès
aux connaissances est donc facilité pour tous sans distinction.
De nombreux exemples d’utilisation de la réalité virtuelle
pour l’enseignement concernent l’entraînement à des situations
critiques ou coûteuses. En effet, si le matériel à
utiliser est fragile ou dangereux, il semble préférable que
les étudiants puissent s’entraîner sur des simulations avant
de travailler sur des cas réels. Cela permet de limiter les risques
d’accidents.
De même, il est parfois plus économique de créer
un système de réalité virtuelle que de proposer aux
étudiants une expérimentation réelle. Un exemple typique
est le cas des expériences nucléaires qui sont non seulement
dangereuses mais aussi très coûteuses.
Il existe aussi des cas où l’utilisation d’un système
informatique est le seul moyen de proposer un entraînement aux étudiants.
C’est par exemple le cas des excursions géologiques sur le terrain
en Ecosse qui, pour cause de mauvaises conditions météorologiques,
ne seraient pas réalisables.
Au vu des différents bénéfices apportés
par la réalité virtuelle à l’enseignement, on peut
conclure qu’elle répond dans de nombreux cas aux attentes aussi
bien des étudiants, des enseignants qu’à celle de l’enseignement
en général.
Comme nous l'avons vu précédemment, il n’existe à
ce jour, que peu de retours d'expériences. Néanmoins, certaines
limites reconnues pour le multimédia concernent aussi la réalité
virtuelle et nous pouvons supposer que d’autres problèmes seront
identifiés avec le temps.
La réalité virtuelle pose tout d'abord des problèmes
techniques. En effet, l'environnement technique ne doit pas être
un frein à l'apprentissage. Il doit être rapide, convivial
et fiable. Il faut pouvoir déterminer le niveau de détail
à une vitesse pratique. Comme pour les environnements multimédia
[Gui93, Ber95], il se pose alors le problème de la capacité
d'interaction de l'environnement qui doit prendre en compte la diversité,
l'organisation des connaissances dans leur champ contextuel et la diversité
des contrats didactiques dans l'interaction. En particulier, il est difficile
d'effectuer automatiquement des diagnostics d'erreurs ou de proposer des
corrections dépendantes du type d'erreur commise [Noe93].
L’utilisation de la réalité virtuelle ne peut se faire
sans l’aide de périphériques qui permettent à l’utilisateur
d’être en totale ou même partielle immersion. Outre les périphériques
intégrant les sens tels que la vue et l’ouïe, il existe aussi
des périphériques gérant le sens tactile (bornes d’arcade
secouant l’utilisateur, " data-glove " simulant une pression au bout des
doigts, …)[Ant96]. Le prix et la rareté de tels périphériques
limitent ainsi le nombre d’applications les prenant en compte et par la
même occasion, limitent le nombre d’utilisateurs. En ce qui concerne
l’odorat, il n’existe pas encore de logiciels " odorants ", même
si ce sens commence à être sollicité dans des domaines
où il était totalement absent il y a peu. Cependant, il semble
difficile d’appliquer tout ceci à l’informatique. Il faudrait donc
créer de nouveaux périphériques (pour certains sens
qui ne sont pas encore présents) qui auraient besoin dans un premier
temps de nouvelles technologies (pour transformer des impulsions électriques
en odeurs par exemple).
Enfin le dernier frein technique à l'utilisation de la réalité
virtuelle dans l'enseignement est le problème de l'accès
à ces technologies : peut-on imaginer que chaque foyer disposera
un jour d'équipements de réalité virtuel ou l'utilisation
de la réalité virtuelle se limitera-t-elle aux enceintes
des établissements d'enseignement ?
De plus, peut-on imaginer que les établissements d’enseignement
pourront financer l’équipement de leur salles de cours virtuels
?
Le coût des périphériques existant est un obstacle
à l’équipement massif des salles de cours virtuels ainsi
qu’à l’équipement des particuliers pour leur salle virtuelle
de cours virtuels. Cet équipement lourd rend donc la réalité
virtuelle incompatible avec l’enseignement à distance [Alb99-1,
Alb99-2].
Un autre point important concerne les moyens humains à mettre
en œuvre pour le développement de logiciels utilisant la réalité
virtuelle. Pour créer un outil efficace, il est nécessaire
de disposer d’une réelle pluridisciplinarité et donc d’un
nombre important d’intervenants (sociologues, informaticiens, spécialistes
des matières à " enseigner ", …). Il faut aussi structurer
judicieusement le projet, afin de permettre un travail de collaboration
réelle entre les divers intervenants. Avec la durée importante
que cela engendre pour la conception et la réalisation d’un tel
projet, nous pouvons penser aisément que la mise en œuvre de tels
moyens humains ne se fait et ne se fera pas gratuitement, ce qui semble
bien évidemment normal.
Bien que nous ayons argumenté précédemment que
la réalité virtuelle réduisait les coûts de
l'enseignement, cette affirmation est donc à nuancer. En effet,
le développement d'un cours virtuel est très coûteux
et son utilisation l’est aussi, avec tous les périphériques
que cela nécessite. A titre d’exemple, le coût d’un logiciel
pour l’entraînement médical et du matériel qui l’accompagne
est de 2,5 millions de francs (ceci ne permet qu’à une seule personne
de s’entraîner !) [Sto96]. Pour être rentable, l'investissement
doit permettre de supprimer des coûts importants tels que des frais
de déplacement ou d'utilisation de matériels spécifiques
et chers. Sinon il reste plus intéressant financièrement
de proposer un enseignement non virtuel.
Mais le grand danger est de vouloir utiliser les nouvelles technologies
partout sans soucis de finalité. Dans un environnement d'apprentissage
utilisant la réalité virtuelle, la dérive peut être
de soigner la présentation au détriment du contenu. Il est
toujours difficile de décider du contenu d'un cours. Mais dans le
cas de l'utilisation de la réalité virtuelle, il existe en
plus le danger que la fonction d'enseignement échappe aux universités
[Uni96]. En effet, la diffusion à grande échelle de cours
intéresse les entreprises qui voient là un moyen de faire
d'énormes bénéfices ou/et de contrôler les connaissances.
Le rôle des universités pourrait au mieux se réduire
à l'évaluation et la certification des étudiants.
Cette globalisation de l'enseignement n'irait pas forcément dans
le sens d'une amélioration de la qualité des enseignements.
La globalisation pose aussi le problème de la présentation
des informations : une définition des connaissances est toujours
subjective, alors il paraît difficile de créer des environnements
qui correspondent à la spécificité culturelle de chacun.
Dans ce cadre, il semble nécessaire d'être capable de donner
plusieurs explications à un même phénomène ou
de reformuler les questions. Enfin chaque étudiant doit disposer
de supports lui permettant de faciliter sa mémorisation par une
prise de notes adaptée (écrite, orale, autre?) et facilement
accessible ensuite [Abo96]. Or il semble difficile d'adapter un environnement
virtuel à chaque étudiant.
Chacun doit être à l'aise dans l'environnement virtuel.
Cela signifie que les informations données par l'environnement sont
facilement compréhensibles et doivent permettre à chacun
de construire sa " propre construction du sens" car l’information
mise à disposition par un environnement interactif n’a de sens que
dans la mesure où l’étudiant peut se construire sa propre
compréhension et l’incorporer dans un ensemble. En effet, " notre
intelligence est le fruit d’une construction active à partir de
notre expérience personnelle. " [Ack95]. Or à trop vouloir
engager l’étudiant, on en vient parfois à l’enfermer dans
des univers où il se perd [Ack95]. Un environnement interactif doit
permettre de gérer une alternance indispensable entre immersion
et distanciation afin que l’étudiant prenne du recul. Une des difficultés
est que l’étudiant réussisse à faire le lien entre
le monde artificiel de l’environnement de réalité virtuelle
et le monde réel aux quels s’appliquent les concepts exposés
dans le monde artificiel.
De plus, le contenu d’un environnement d’apprentissage utilisant la réalité virtuelle est confronté plus qu’aucun autre aux limites des connaissances scientifiques. En effet, si la réalité virtuelle est un formidable outil de visualisation des phénomènes complexes, comment peut-elle représenter des phénomènes que partiellement maîtrisés ?
Pour les enseignants, il est aussi plus difficile de garder le contrôle
de la situation d'apprentissage [Bal98]. En effet, dans une situation d’enseignement,
l’enseignant doit avoir une idée de comment les étudiants
vont comprendre les concepts, de pourquoi un étudiant construit
une idée plutôt qu’une autre. Il doit donc donner du sens
à la production de l’étudiant pour prévoir les événements
que tel ou tel exercice va engendrer. L’environnement doit donc laisser
à l’enseignant un certain contrôle de l’apprentissage afin
qu’il puisse réagir de la façon la plus adéquate puisque
comment nous l’avons exposé dans la section précédente,
un environnement " automatique " peut difficilement le faire.
Outre le contrôle de la situation d’enseignement, il semble évident
que la nature des rapports entre enseignant et étudiants va changer.
Les étudiants doivent devenir plus actifs, plus autonomes. Le rapport
avec l’enseignant est beaucoup moins personnel et la nécessité
d’être plus autonomes ne favorisent pas particulièrement les
étudiants les plus en difficulté qui ont besoin de plus d’attention.
Enfin dans l’enseignement traditionnel, l’étudiant acquiert
une culture propre à la communauté scientifique ou professionnelle
à la quelle il se destine. Or de ce point de vue, il semble peu
probable que les nouvelles technologies de l’information et de l’éducation
puisse se substituer efficacement aux contacts étudiant/professeur.
[Ped96].
Les avantages précédemment exposés de l’enthousiasme
des étudiants devant ces nouveaux outils, sont aussi à nuancer.
En effet, ceci est certes un avantage mais cet enthousiasme ne vient-il
pas de la nouveauté de tels outils ? Nous pouvons nous poser la
question et savoir si cela durera ou non, auquel cas cet avantage n’en
serait plus un.
Vient aussi la question des relations entre étudiants, car on
peut aisément concevoir que celles-ci soient profondément
modifiées par l'utilisation d'un environnement virtuel. Il est très
important de prendre en compte la collaboration devant et via la machine.
En effet, la construction active du sens requiert une mise en forme personnelle
ou une expression et un échange avec autrui. Des travaux ont montré
que les étudiants interagissent souvent intensivement face au système
(souvent plus qu’en classe où il ont tendance à se taire).
Il est apparu que les interactions entre étudiants peuvent être
plus intéressantes que les interactions étudiant-machine,
au point que le logiciel est alors conçu comme support à
l’interaction plutôt que comme interlocuteur [Dil]. Ces relations
primordiales à l’apprentissage ne seront-elles pas mise à
l’écart avec l’apparition de la réalité virtuelle
?
Une autre limite qui apparaît est celle de la mise place très
lente qui se fait au niveau de l’informatique, quand elle existe ! D’une
part, la réalité virtuelle a besoin de machines puissantes
qui sont souvent désuètes au bout de 2-3 ans ; mais il y
a aussi et surtout le temps nécessaire pour former les enseignants
à leur nouveau métier (très majoritairement accès
sur la pédagogie) alors que ceux-ci commencent juste à être
formés sur les nouvelles technologies de l’information et de l’éducation.
De façon peut-être plus anecdotique, on peut aussi se
poser la question de l'impact sur la santé de l'utilisation de la
réalité virtuelle. Comme l’utilisation des ordinateurs, ne
générerait-elle pas auprès des étudiants de
la fatigue visuelle ou de la tension nerveuse ?
Nous avons étudié la place de la réalité
virtuelle dans l'enseignement en nous basant sur des exemples d'application
variés. Au vu de ces expériences et de celles menées
dans le domaine du multimédia, un bilan des bénéfices
et des limites de l'enseignement virtuel a été dressé.
Du point de vu des avantages, les deux principaux sont le développement
de l'autonomie des étudiants et la visualisation de concepts complexes.
Pour les limites, elles sont à la fois d'ordre technique et
humain. En effet, nous avons vu que le développement d'enseignements
virtuels pose des problèmes quant à la qualité des
contenus et à son contrôle. Du point de vu humain, les limites
sont liées aux modifications des relations entre enseignants et
étudiants et entre étudiants entre eux.
L'instrumentalisation de notre société est une évolution
profonde. L'enseignement, en général, et celui dispensé
à l'université, en particulier, ne peut pas et ne doit pas
se tenir à l'écart de cette transformation, sous peine de
se déconnecter de la société. Cette évolution
tend à modifier le rapport au savoir : les techniques d'enseignement
changent et modifient ainsi les rôles de l'enseignant et de l'étudiant.
Les plus positifs diront que l'informatisation de l'enseignement impose
une réflexion globale et une prise de recul sur les pratiques pédagogiques,
permettant déjà un progrès dans l'enseignement informatisé
ou non.
La réalité virtuelle, au même titre que le multimédia,
est un des instruments de l'informatisation. Néanmoins, de part
son principe, la réalité virtuelle implique des changements
beaucoup plus profonds. Toutefois, ces changements ne sont pas forcément
positifs et il faut se garder de tout triomphalisme. La réalité
virtuelle doit être vue comme un nouvel instrument au service de
l'enseignement et non une fin en soi.
Il apparaît en particulier important que l'utilisation des
nouvelles technologies de l'enseignement ne pénalisent pas le dialogue,
mais au contraire le favorisent. En effet, le dialogue reste essentiel
pour la construction du sens.
Dans ce cadre, le rôle de l'enseignant va évoluer. Il
sera moins le maître qui dispense son savoir à des étudiants
mais plutôt un guide qui créera des opportunités d'apprentissage
à travers le dialogue. Lorsque l'étudiant éprouvera
des difficultés dans la compréhension d'un concept exposé
par réalité virtuelle, il s'adressera à l'enseignant,
soit directement pendant certaines plages horaires, soit par courrier électronique
en dehors des heures prévues.
Le dialogue entre étudiants doit aussi demeurer au sein de la
réalité virtuelle. Les explications que peuvent se donner
entre eux les étudiants participent fortement à la construction
du savoir. La réalité virtuelle, dans son état de
réalisation actuelle, laisse peu de place à cet aspect. Cependant,
certaines équipes comme le groupe IIHM du laboratoire Clips-Imag
[IIHM], travaillent à recréer ces liens. Dans ces conditions,
et seulement celles-ci, nous pouvons espérer une réelle amélioration
de l'acquisition des connaissances au sein de la réalité
virtuelle par rapport à l'enseignement classique.
Enfin, il ne faut pas négliger la place de l'enseignant par rapport à la création du contenu. En amont, il doit intervenir en qualité d'expert au l'intérieur de l'équipe de conception. Il participe au choix des éléments à inclure dans le monde virtuel. En particulier, il détermine les éléments qui doivent être mis en valeur en fonction des concepts que doivent découvrir les étudiants. Dans cette phase initiale, il doit aussi contrôler la qualité des réalisations et vérifier qu'elles correspondent aux objectifs assignés précédemment. Ensuite, lors de la conception de son enseignement, il doit pouvoir choisir le détail du contenu qu'il veut employer. Dans le cas d'une séance de travaux pratiques de chimie, il doit pas simplement sélectionner une expérience dans son ensemble, il doit aussi pouvoir choisir chacun de ses éléments ou modifier certaines parties de l'ensemble proposé. Une organisation modulaire, comme celle développée par le projet ARIADNE, représentée sur le site grenoblois par le CAFIM2 entre autre, devrait certainement être étendue à la réalité virtuelle. Elle permet, d'une part un contrôle des enseignants sur les contenus qu'ils veulent transmettre et d'autre part une indépendance vis-à-vis des éditeurs commerciaux.
Nous pensons que la réalité virtuelle est un nouvel outil au service de l'étudiant. Son contenu doit toujours être contrôlé par l'enseignant. Cet instrument pourra être utilisé soit de façon synchrone, en présence d'un enseignant et d'un groupe d'étudiants interagissant entre eux, soit en libre service. La réalité virtuelle ne devrait donc pas amener de révolution. Par contre, elle devrait être un support pour franchir certains obstacles didactiques et un moyen pour dépasser une partie des contraintes spatiales et temporelles de l'enseignement actuel.
[Ack95] E. Ackermann, " Environnements interactifs : culture de zappeurs ou culture d’auteurs ", Dans Environnements Interactifs d’Apprentissage avec Ordinateur, Eyrolles, 1995
[ADE] Advanced Distance Education, http://www.isi.edu/isd/ADE/ade-body.html
http://www.isi.edu/isd/carte/articles/lemonde/ensvirt.html
[Alb99-2] M. Alberganti, " Les profs en silicium au banc d’essai ", Le Monde daté du mercredi 29 septembre 1999
http://www.isi.edu/isd/carte/articles/lemonde/profs_en_silicium.html
[Ant96] E. Anthoine et L. Roux, Exposés du cours Réseaux,
ENSIMAG, INPG
http://www-ensimag.imag.fr/ENSIMAG/cours/Exposes.Reseaux/Multimedia/1995/subsection3_3_5.html
[Aul99] D. d'Aulignac, M. C. Cavusoglu et C. Laugier, "Modeling the Dynamics of the Human Thigh for a Realistic Echographic Simulator with Force Feedback ",. In the Proceedings of the Second International Conference on Medical Image Computing and Computer-Assisted Intervention (MICCAI’99), Cambridge, England, September 19-22, 1999.
[Bal98] N. Balacheff, " Construction of meaning and teacher control of learning ", Dans Information and Communications Technologies in School Mathematics, IFIP, Chapman & Hall, 1998
[Bel95] J. Bell, et H. Scott Fogler, "The Investigation and Application of Virtual Reality as an Educational Tool", Proceedings of the American Society for Engineering Education Annual Conference, Anaheim, CA, June 1995.
[Ber95] P. Bernat et J. Morinet-Lambert, " Spécificités et modélisation de l’interaction dans un EIAO ", Dans Environnements Interactifs d’Apprentissage avec Ordinateur, Eyrolles, 1995
[Bur93] G. Burdea et P ; Coiffet, " La réalité virtuelle ", Hermès, Paris, 1993
[Ded] C. Dede, " Emerging Influences of Information Technology on School Curriculum ", Journal of Curriculum Studies
[Del94] H. Delingette, G. Subsol, S. Cotin, et J. Pignon, " Simulation de chirurgie craniofaciale et realite virtuelle ", In Interface des Mondes Reels et Virtuels (IMRV'94), pages 399-408, Montpellier, January 1994.
[Dil] P. Dillenbourg et P. Jermann, Cours sur la réalisation de logiciels éducatifs, TEFCA (Technologie de Formation et d’Apprentissage), Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education de l'Université de Genève
http://tecfa.unige.ch/themes/didacticiels/evolution-EAO.html
[ELE] Experimental virtual learning environments, http://www.nottingham.ac.uk/virart/educn/Exper.html
[GTC96] Groupe de travail de la Commission de planification universitaire : Enseignement à distance au niveau universitaire, 1996, http://www.edutech.ch/edutech/publications/rapport_f_f.asp
[Gui93] D. Guin, " Protocole comportemental de l’interaction didactique entre un agent artificiel et un agent humain ", Dans Environnements Interactifs d’Apprentissage avec Ordinateur, Eyrolles, 1993
[IIHM] groupe Interface et Interaction Homme-Machine, laboratoire CLIPS, IMAG
http://www-clips.imag.fr/iihm/
[ISR] Virtual Reality : Intelligent Simulation Research Overview, http://www.sandia.gov/vris/vris_overview.html
[Küh] U. Kühnapfel., B. Neisius, H. Krumm, C. Kuhn et M. Hübner; " CAD-Based simulation and modeling for endoscopic surgery "
[Noe93] C. Noël et D. Py, " Diagnostic d’erreurs de l’étudiant basé sur le contexte ", Dans Environnements Interactifs d’Apprentissage avec Ordinateur, Eyrolles, 1993
[Ped96] " Vers une nouvelle pédagogie ", bulletin CIRST envex,
volume2, numéro 1, 1996
http://www.uquebec.ca/bri-public/cirst/11_96/tm_11_96.html
[Ros95] H. Rose et M. Billinghurst, " Zengo Sayu*: An Immersive Educational Environment for Learning Japanese ", Technical R-95-4. Seattle, WA: Human Interface Technology Laboratory, University of Washington, 1995
[Sal99] M ; Salzman., C. Dede, R. Loftin et J ; Chen, " A model for understanding how virtual reality aids complex conceptual learning ",. Presence: Teleoperators and Virtual Environments 8 (3), pages 293-316, 1999.
[Sto96] R. J Stone et R. F. McCloy, " Virtual Environment Training Systems For Laparoscopic Surgery "; Activities at the UK’s Wolfson Centre for Minimally Invasive Therapy, The journal of Medecine and Virtual Reality, vol. 1 n°2, 1996
[TEF] Le Tefca : développement d'un campus virtuel,
http://tecfa.unige.ch/
[Uni96] " L’Université virtuelle et la redéfinition des
rôles dans l’enseignement supérieur ", bulletin CIRST envex,
volume 2, numéro 1, 1996
http://www.uquebec.ca/bri-public/cirst/11_96/tm_11_96.html
[VET] Virtual Environments for Training,
http://www.isi.edu/isd/VET/vet-body.html
[VETL1] VETL Project, the Hubble space telescope, http://www.vetl.uh.edu/Aerospaceov.html
[VETL2] VETL Project, virtual Reality in Medicine,http://www.vetl.uh.edu/surgery/surpage.html
[VFTS] The project summary of the virtual factory teaching system : VFTS, http://vfts.usc.edu/summary.html
[Viv] M. Vivet, Cours sur les nouvelles technologies pour la formation, Les dispositifs technologiques pour l’enseignement à distance, Université du Maine http://cvlium.univ-lemans.fr:8900/public/unesco/m3.3.1/M331.html
[VLDTK] Applications of VR in Geological Sciences, Design and
construction of a virtual field course for Geology
http://www.vldtk.ed.ac.uk/projects/geology/index.html
[VRC] virtual reality in chemical engineering laboratory, http://www.engin.umich.edu/labs/vrichel/goals.html
[You98] C. Youngblut, " Educational Uses of Virtual Reality ", Technology. IDA Document D-2128, Alexandria, VA: Institute for Defense Analyses, 1998