Conclusion
1. Rappel des objectifs et contexte
Le projet Opéra étudie les problèmes posés par la conception, l'édition et la
présentation des documents multimédias. Mon travail de thèse effectué dans
cette équipe, a concerné la conception et la réalisation d'un système
d'édition qui permet de prendre en compte, pendant le processus d'édition, les
besoins des auteurs, novices ou experts.
La construction d'un environnement d'édition est soumise à des contraintes
multiples. Ces contraintes sont liées d'une part à la multitude de formats de
spécification de documents multimédias, et d'autre part aux différents
objectifs et aux compétences des auteurs.
La plupart des systèmes d'édition actuels proposent des méthodes d'édition
très liées au format de document sous-jacent. De ce fait, l'édition ne propose
pas, ou peu, de fonctionnalités pour aider l'auteur et automatiser certaines
tâches.
2. Démarche de travail et bilan
Mon travail de thèse s'est organisé en deux grandes parties, ce découpage se
retrouve dans la thèse :
Environnements auteur de documents multimédias
La première partie est axée autour des environnements auteur de documents
multimédias. J'ai tout d'abord analysé la situation courante des différents
environnements auteur. Au cours de cette analyse, j'ai dégagé quatre
principaux formalismes d'édition de documents multimédias, et j'ai montré
comment les environnements auteur permettaient de les éditer.
Le premier résultat de la thèse consiste, à partir de cette étude, à la
définition de ce que serait un environnement d'édition permettant à un auteur
de spécifier à la fois simplement et de manière complète son document
multimédia.
Le deuxième résultat présenté est la boîte à outils Kaomi. Elle doit
permettre de construire de tels environnements auteur, tout en offrant aux
concepteurs de ces environnements une mise en commun des services.
Systèmes de contraintes dans l'édition de documents multimédias
:
A partir de ces résultats et des différentes expériences menées, je me suis
plus particulièrement intéressé plus particulièrement aux contraintes et aux
systèmes de résolution de contraintes. L'étude des résolveurs de contraintes
constitue la deuxième partie de la thèse. Dans une première étape, j'ai dégagé
un ensemble de besoins qui n'étaient à ce jour pas satisfaits. J'ai ensuite
démontré que les technologies basées sur les contraintes pouvaient apporter
des réponses intéressantes aux besoins liés à l'édition de documents
multimédias. Pour cela, j'ai étudié les différents mécanismes de résolution
ainsi que leur utilisation optimale dans le contexte de l'édition de documents
multimédias.
Ainsi, le troisième résultat de la thèse consiste en l'évaluation des
différents types de résolveurs dans notre contexte. Différentes expériences
m'ont permis d'obtenir des résultats qualitatifs et quantitatifs sur les
différentes approches de résolution de contraintes dans notre contexte
d'édition de documents multimédias. À partir de cette analyse, j'ai proposé un
algorithme hybride offrant un bon compromis entre les performances et la
qualité des différentes réponses calculées.
Le quatrième résultat de la thèse est l'implémentation d'environnements
auteur basés sur la boîte à outils Kaomi. Ces environnements auteur sont
représentatifs des différents formalismes d'édition et de spécification de
documents multimédias mais aussi de contextes applicatifs différents comme
l'édition de workflow ou la gestion de bases documentaires. Ces expériences
ont permis de valider d'une part la généricité de la boîte à outils, et
d'autre part l'apport des contraintes au travers des services d'édition
avancés qui ont été mis en oeuvre.
Enfin, à partir de ces expériences, j'ai dégagé les différentes
utilisations futures des techniques à base de contraintes pour le contexte de
l'édition de documents multimédias.
3. Perspectives
J'ai choisi de classer les perspectives de ce travail selon trois axes. Le
premier axe concerne les aux apports possibles de l'utilisation des
contraintes dans un contexte d'édition de documents multimédias de manière à
exploiter pleinement le travail réalisé dans cette thèse. Dans un deuxième
temps, je présenterai la situation de la boîte à outils Kaomi vis-à-vis des
évolutions des documents multimédias. Et enfin, dans un troisième temps, je
présenterai les différents points liés aux contraintes, qui doivent être
améliorés pour rendre cette technologie complètement exploitable dans un
contexte applicatif.
3.1 Perspectives sur l'utilisation des technologies
contraintes
Dans le cadre de l'édition de documents multimédias, les perspectives
d'utilisation des technologies contraintes sont nombreuses. Dans un premier
temps, je vais présenter les différentes utilisations possibles de ces
techniques qui sont des applications directes des travaux réalisés, je
présenterai ensuite une problématique plus générale sur l'adaptation de
documents qui se développe aujourd'hui du fait de l'essor de la téléphonie
mobile et des ordinateurs de poche.
- Prototypage rapide de documents
Un des besoins essentiels lors de la conception de documents est la
possibilité de prototyper rapidement une version de manière à pouvoir avoir
un aperçu du document [Bollard99]. Dans ce contexte, un formalisme de haut
niveau à base de contraintes permet de spécifier de manière partielle un
document. L'auteur, en peu de temps, peut obtenir une maquette qui lui
permet d'avoir une idée précise de ce que sera son document dans sa forme
finale et même de naviguer dans un espace de solutions. Cette phase de
prototypage est très utile lors de la production de documents pour, par
exemple, avoir la possibilité de proposer des maquettes différentes aux
autres auteurs, aux collaborateurs ou même aux clients. Lesquelles serviront
ensuite de point de départ pour les discussions entre les concepteurs.
- Effets de style ou macros adaptables
Dans le cadre des documents multimédias, il arrive que l'on ait besoin de
définir un effet de présentation pour un ensemble de n objets. Que se
passe-t-il, lorsque l'on constate qu'il faut insérer un objet de plus dans
cet effet ? Par exemple, l'auteur définit une animation de cinq objets qui
s'animent pour se regrouper et former un titre. Si l'auteur désire insérer
un sixième objet dans son animation, il est souhaitable qu'il n'ait pas à
recalculer le placement et le mouvement de tous ces objets. Les techniques à
base de contraintes peuvent être utiles pour calculer une nouvelle solution.
En effet, cela permet au programmeur de l'effet de style de ne pas écrire
toutes les solutions possibles dont un utilisateur aura besoin. Il décrira
seulement les contraintes à respecter entre les objets et laissera le calcul
du placement exact des objets au résolveur de contraintes.
- Adaptation de document et contraintes
Un des intérêts d'utiliser des techniques à base de contraintes est de
permettre le formatage, soit statiquement au moment de l'édition du
document, soit au moment de la présentation. Ce dernier cas permet d'adapter
le document au lecteur ou aux conditions de présentation.
Je présente ici les principales utilisations de ces possibilités de
formatage.
- Adaptation de documents générés
Un des intérêts de l'utilisation de schémas prédéfinis (chapitre II
section 4.1) est la simplicité de spécification pour l'auteur. Un des
intérêts d'une technologie contraintes combinée avec les schémas
prédéfinis est de rendre plus flexible ces schémas. Imaginons par exemple
un schéma pour présenter en séquence une liste de photographies. Cette
liste peut être le résultat d'une requête vers une BD, ou une liste de
photographies fournies par l'auteur. L'utilisation de résolveurs et d'un
formalisme de spécification à base de relations permet au lecteur de fixer
la durée globale de la présentation et le système déduira automatiquement
la durée de présentation pour chacune des images de la séquence en
fonction de leur nombre.
Une des applications intéressantes qui tire parti d'un formatage souple
est de pouvoir réaliser des documents multilingues, formatés en fonction
de la langue. Par exemple, un média audio n'aura pas la même durée en
anglais ou en français. De la même façon, un texte anglais n'aura pas la
même longueur que sa traduction française. De ce fait, avoir un document
contenant de la flexibilité et un outil permettant de formater ce document
est un apport intéressant pour l'auteur, qui laisse ainsi le soin au
formateur de calculer au mieux le placement des objets du document, en
concervant si possible la durée intrinsèque de ces médias. L'auteur ne
spécifie ainsi qu'un document. Le système le formatera alors de façon
optimale pour chacune des langues.
On peut, de la même manière, adapter un document en fonction des capacités
du lecteur. Par exemple, dans le cadre de l'enseignement, on peut
concevoir des présentations différentes d'un même cours en fonction de
l'élève et/ou de son niveau d'apprentissage. De la même manière, dans le
domaine médical, le dossier d'un patient doit être présenté de manière
différente à un spécialiste, à l'infirmière traitante ou au patient
lui-même. La visualisation ou non de certains objets va donc entraîner une
phase d'adaptation du document qui pourra être prise en charge par le
résolveur de contraintes.
Une autre forme d'adaptation qui peut être traitée par les contraintes est
l'adaptation dynamique du document au cours de la présentation. Cette
adaptation se fait par rapport aux conditions du réseau, de la charge du
système, de la machine (taille de l'écran, ). À partir d'un document
formaté partiellement statiquement, le système de présentation va
appliquer une (ou plusieurs) phases de formatage dynamique pour adapter la
présentation aux nouvelles conditions.
3.2 L'avenir du multimédia : de nombreux
formats
Nous avons vu qu'il existait de nombreux formats de spécification pour les
documents multimédias, il faut aujourd'hui prendre en compte ce paramètre et
essayer de fournir des outils auteur capables de manipuler un ensemble de
formats. L'émergence de standards comme XML permet d'homogénéiser la manière
de décrire les documents et de spécifier les propriétés sous forme
d'attributs. Ainsi, les langages SMIL et Madeus sont décrits en XML. L'intérêt
d'avoir un moyen standardisé de décrire les données permet de concevoir des
outils communs pour décrire la présentation.
Néanmoins, l'émergence de standards comme SMIL 2.0 nécessitera une
adaptation des outils auteurs.
SMIL 2.0
Les objectifs de SMIL 2.0 sont, dans un premier temps, d'étendre
l'expressivité de SMIL 1.0 et, dans un deuxième temps, de rendre plus
modulaire la spécification de SMIL.
Les principales extensions de l'expressivité ont été réalisées dans la
définition de la synchronisation temporelle. L'auteur peut maintenant, par
exemple, définir des objets maîtres dans les relations de synchronisation. Il
peut aussi spécifier de manière plus complète l'interactivité dans le
document.
Le deuxième changement important dans SMIL est la spécification de modules.
Les principaux modules sont : structure, lien, média, animation,
synchronisation,
Ces différents modules permettent de définir la présentation (spatiale,
temporelle) ainsi que la structure de navigation d'un document. Un des
intérêts est aussi de permettre l'utilisation d'un sous-ensemble de modules
dans d'autres contextes. On peut noter que de ce fait, SMIL 2.0 permet de
définir un ensemble de langages à partir de sous-ensembles de modules.
On peut noter que ces deux extensions vont dans le sens des travaux menés
dans Kaomi. L'augmentation de l'expressivité dans le module temporel fait que
SMIL se rapproche de langages comme MHML. Ainsi, les différentes facilités
d'édition fournies par le système auteur restent pertinentes.
On se rapproche donc de documents dont le contenu est décrit dans une
syntaxe XML, et dont la présentation est définie grâce à un ensemble de
modules SMIL. Ce sous-ensemble évolue en fonction du contexte. Cela nous
incite à penser que, dans certains cas, on voudra spécialiser le système
auteur pour ce sous-ensemble de modules. L'architecture de la boîte à outils
est adaptée à ce besoin.
3.3 Extensions à apporter aux technologies
contraintes
L'utilisation de contraintes dans un environnement d'édition permettra à
l'utilisateur de paramétrer la résolution. Pour cela il est nécessaire
d'étendre l'environnement auteur actuel sur deux points :
- Politique de formatage adaptable :comme nous avons pu le voir
précédemment, un des points positifs des résolveurs est qu'ils
permettent de définir une politique de formatage quel que soit le
langage édité. Cependant, cette politique de formatage est dépendante du
contexte d'utilisation. Dans certains cas, l'auteur désirera que tous
ses objets aient la même durée (présentation de photographies en
séquence), et dans d'autres cas, il désirera fixer une durée pour
certains objets et laisser le formateur faire au mieux pour le reste, de
manière, par exemple, à limiter la bande passante moyenne nécessaire
pour visualiser le document. On doit donc fournir à l'auteur le moyen de
définir une politique de formatage, ce qui n'est pas simple à faire du
fait que le bon paramétrage des poids associés aux contraintes se fait
souvent de manière empirique. Il est donc nécessaire dans un premier
temps de voir comment les résolveurs de contraintes peuvent faciliter ce
contrôle sur le mécanisme de résolution et dans un deuxième temps
d'étudier la façon dont la phase de paramétrisation pourrait être
assistée par le système auteur.
- L'aide au diagnostic : aujourd'hui, peu de travaux existent sur
l'explication de la solution calculée par un résolveur. Cette aide est
essentielle si on veut que l'utilisateur puisse paramétrer et configurer
le formatage, pour que ce dernier satisfasse au mieux ses besoins. De
même, il reste des travaux à effectuer dans le domaine de la
compréhension d'un système de contraintes incohérent.
Nous avons vu que l'utilisation des contraintes s'est avérée concluante dans
le cadre de documents déterministes. L'intégration de relations
spatio-temporelles et de médias indéterministes vont soulever de nouveaux
problèmes (facteur d'échelle, médias non formatables statiquement) et
introduire de nouveaux besoins (formatage dynamique). Pour répondre à ces
besoins de nombreux travaux théoriques visent à étendre l'expressivité des
CSP.
- Dynamique et fuzzy CSP : des travaux formels ont été réalisés
dans le cadre des contraintes pour prendre en compte des comportements
imprédictifs. Par exemple, les fuzzy CSP [Verfaillie95] semblent offrir
un formalisme intéressant. Dans ce formalisme, chaque contrainte est
définie non pas par l'ensemble des valeurs qui la satisfont mais par un
ensemble flou : l'ensemble des valeurs qui la satisfont plus ou moins.
Dans ce cadre, une contrainte est satisfaite à un certain degré plutôt
que satisfaite ou insatisfaite. La richesse de ce modèle permet de
prendre en compte à la fois des préférences sur les valeurs et des
priorités sur les contraintes. Dans ce modèle, l'acceptabilité globale
d'une solution est graduelle. Les meilleures solutions sont celles qui
maximisent le degré de satisfaction de la moins satisfaite des
contraintes. C'est-à-dire, que si nous définissons le coefficient de
qualité d'une solution comme la valeur du minimum des degrés de
satisfaction des contraintes composant le problème, alors une bonne
solution est celle qui a le coefficient de qualité le plus important. La
complexité est du même ordre de grandeur que pour les CSP. Cette
richesse permet d'exprimer les différentes préférences nécessaires à la
résolution du système de contraintes lors de la phase d'édition.
- Contraintes multidimensionnelles :l'introduction de ces
nouveaux besoins d'expression font augmenter sensiblement le nombre de
contraintes. Actuellement nous avons un système de contraintes pour
chacune des dimensions (temporelle, spatiale), nous pourrions en avoir
un pour calculer, par exemple, les polices de caractères, la taille de
ces polices, la couleur, Cependant, si on spécifie des dépendances entre
ces différents éléments, les graphes de contraintes obtenus sont trop
complexes pour les résolveurs actuels. Une théorie a été développée pour
prendre en compte de tels problèmes [Verfaillie95], cependant peu de
résolveurs prennent en compte ces particularités.